Exposition à l’amiante l’Etat jugé coresponsable du décès d’un salarié
juillet 26, 2014 2:32 Laissez vos commentairesSi l’Etat a tant tardé à interdire l’utilisation de l’amiante, c’est sous la pression des entreprises elles‑mêmes.
Le tribunal d’Orléans a jugé l’Etat coresponsable du décès d’un salarié mort d’un cancer de l’amiante.
Si l’Etat a tant tardé à interdire l’utilisation de l’amiante, c’est sous la pression des entreprises elles-mêmes.
Ce n’est qu’un jugement en première instance, mais c’est déjà beaucoup. Le 27 mai, le tribunal administratif d’Orléans a rendu une décision qui, si elle était confirmée en appel, pourrait faire l’effet d’une bombe concernant la responsabilité de I’Etat au côté de l’employeur en cas de maladie professionnelle.
L’affaire sur laquelle les magistrats ont eu à se prononcer est la suivante. Un salarié de l’entreprise Latty International, employé de 1973 à 1989, est décédé en 2008 d’un cancer consécutif à une exposition professionnelle à l’amiante. L’entreprise a été condamnée par la cour d’appel de Versailles le 11 octobre 2012 à rembourser à la Caisse primaire d’assurance-maladie près de 170.000 euros d’indemnités. A cela s’ajoutaient près de 550.000 euros de majoration de rente, correspondant à 7.300 euros par mois sur un peu plus de 6 ans, versés par la CPAM aux ayants droit du salarié décédé. Jusque-là, rien que de très classique.
Une première en France
Ce qui l’est moins, c’est qu’ensuite l’entreprise a décidé d’attaquer l’Etat en justice en demandant que sa coresponsabilité soit actée. Et elle a eu gain de cause. Une première, semble- t-il ! Le tribunal administratif a reconnu la puissance publique comme coauteur du dommage et l’a condamnée à rembourser à Latty la moitié des sommes versées et à venir, soit plus de 350.000 euros au total.
« Il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle [ … ] et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques [ … ] les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers », notent les magistrats. Or ils soulignent, d’une part, que « depuis le milieu des années 1950, les pouvoirs publics ne pouvaient plus ignorer que l’exposition aux poussières d’amiante présentait de graves dangers pour la santé des travailleurs ». Et, d’autre part, que la société requérante «établit [ … ] qu’elle a respecté la réglementation» et qu’elle a même anticipé auparavant des mesures de protection. Avec un paradoxe tout de même: si l’Etat a tant tardé à interdire l’utilisation de l’amiante, c’est sous la pression des entreprises productrices et utilisatrices elles-mêmes.
Un jugement sévère
«Le risque pour une personne de développer, dans certaines conditions, une affection respiratoire à la suite de l’inhalation de fibres d’amiante était connu en France depuis le début du XXe siècle et a donné Lieu dès 1945 à une prise en charge spécifique au titre des maladies professionnelles […] L’Etat a fait montre de carences dans la prévention des risques liés à L’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité. »
par Leïla De Coinarmond