Une école contaminée à l’amiante
novembre 12, 2015 2:15 pmLe voisin « nettoyait » un toit en fribrociment : à La Renaudière, l’école est durablement polluée.
À l’école, l’accès à l’une des cours de l’école est toujours fermé par un arrêté municipal pris le 24 septembre.
Jean-Yves LIGNEL
Depuis deux mois, une pollution à l’amiante inquiète le petit village de La Renaudière, près de Saint-Macaire-en-Mauges. Cette pollution fait suite au nettoyage « au karcher » du toit en fibrociment d’un ancien bâtiment industriel situé en plein coeur du bourg, juste à côté des écoles maternelles et primaires. Ce sont d’ailleurs les enseignants qui ont donné l’alerte.
Le lundi 7 septembre pendant la classe en début de matinée, un nuage de poussière blanche et des projections de mousse et d’eau avaient envahi les deux cours d’école. Tout cela venait du toit voisin où opérait un ouvrier en train de le « nettoyer », sans protections particulières.
Par précaution, les enseignants ont pris la décision de garder les enfants dans les classes. Ce « nettoyage », qui s’est opéré toute une journée empoisonne depuis la vie à la Renaudière (960 habitants) et pourrait avoir des conséquences financières et sanitaires importantes.
Les premières expertises techniques, effectuées le 10 septembre, ont montré que les classes de maternelles et leurs salles de repos sont contaminées à l’amiante, et aussi les deux cours de récréation, les cabanes de jeu destinées aux enfants, les sanitaires, etc. L’intérieur de l’école primaire ne semble pas touché.
L’école maternelle a dû déménager
Ce n’est qu’une analyse faite dans l’urgence : une première audience, ce matin devant le juge des référés d’Angers, pourrait conclure à d’autres expertises sanitaires et techniques : sur la nature exacte du fibrociment qui recouvre l’ancienne usine et surtout sur les conditions de la remise en état des locaux scolaires. Selon Me Louis-René Penneau, qui représente les parents d’élèves, l’organisme de gestion et l’association d’éducation populaire (APEL, OGEC et AEP), les premiers devis tournent autour de 60 000 euros rien que pour la décontamination du site scolaire.
La vie de l’unique école de la Renaudière (c’est une école privée) est, depuis, fortement perturbée. Le 8 septembre, une fermeture administrative du site avait été ordonnée, après que l’Agence régionale de santé (ARS) et l’Inspection académique eurent demandé la fermeture du groupe scolaire.
Depuis, l’école maternelle a déménagé dans un bâtiment provisoire situé face à la mairie et prêté par celle-ci. L’école primaire a été maintenue sur le site car des analyses ultérieures ont montré que les salles de classe n’étaient pas contaminées.
Mais c’est encore le film de cette journée du 7 septembre qui met en colère les parents d’élèves. « À plusieurs reprises au long de cette journée, les enseignants ont demandé à l’ouvrier d’arrêter ses travaux, au moins pendant le temps des récréations ce qu’il avait vertement refusé », explique Me Penneau qui évoque « une grave atteinte à la santé publique ». Le 7 septembre, le propriétaire du bâtiment aurait répondu aux enseignants et aux parents d’élèves, qu’il n’y avait « aucun danger » et que les travaux continueraient de toute manière…
L’inspecteur du travail, le maire et les gendarmes sont également intervenus sans beaucoup d’effet puisque le 24 septembre, des ouvriers sont entrés dans le périmètre de sécurité pour y poursuivre leurs travaux comme si de rien n’était. En plus d’une plainte pour mise en danger de la vie d’autrui, une autre plainte pour violation de domicile a également été déposée.
En marge des procédures judiciaires en cours, le maire Didier Huchon semble vouloir jouer l’apaisement, soulignant que le périmètre de contamination « se limite à un périmètre très réduit » et évoquant « une mesure essentiellement préventive tenant compte du jeune âge des enfants ». Le propriétaire du site où se sont déroulés les travaux n’a pas répondu à nos sollicitations.
À savoir – Des matériaux à manipuler avec beaucoup de précautions…
Les plaques de fibrociment fabriquées avant 1977 contiennent très probablement de l’amiante.
Très fines, les fibres d’amiante deviennent dangereuses lorsqu’elles sont inhalées.
Elles peuvent alors provoquer des cancers du poumon ou de la plèvre, parfois 30 ou 40 ans après une exposition souvent professionnelle. L’amiante est classé comme un cancérogène certain pour l’homme.
Ces plaques de fibrociment sont donc dangereuses lorsqu’elles sont usées ou lors d’interventions dessus telles que perçage, ponçage, découpage, ou projection d’eau sous pression, ou toute intervention qui provoque la libération des fibres d’amiantes.
Les entreprises qui travaillent en milieu amianté sont contraintes à des obligations de sécurité, notamment de confinement du chantier et à l’interdiction d’émettre des poussières, ce qui est contesté ici.
Les expertises qui sont sollicitées ce jeudi devant le juge des référés devront montrer que la pollution de l’école et le nettoyage des plaques de fibrociment ont un lien direct.
Si c’est le cas, les indemnités demandées au propriétaire pourraient être très lourdes…