Amiante: la préretraite
Laissez vos commentairesSylvie Topaloff et Jean-Paul Teissonnière, les deux avocats du Comité amiante prévenir et réparer, étaient hier à Thiant
Pour écouter les attentes, questions, doutes des adhérents de l’association. Mais aussi pour leur donner des raisons de ne pas baisser les bras. «Nous sommes en terre inconnue, mais on avance, on défriche le terrain», a assuré Me Teissonnière lors de la réunion.
Même, si dans la salle de trop longues attentes étaient exprimées ou perceptibles, la conviction des deux avocats a forcé le respect. Ils avancent en pionniers pour inscrire la reconnaissance des victimes de l’amiante dans le marbre judiciaire. Un parcours long, âpre. «C’est ici que tout a commencé, en 1996», se souvient Jean-Paul Teissonnière, rappelant la décision du législateur, le 30 juin 1999, de reconnaà®tre la faute inexcusable et la validation de la décision, en février 2002. Un grand pas, déjà . Même si rien n’est acquis : le 25 février (notre édition du 26 février), la cour d’appel de Douai avait en effet décidé la baisse brutale de l’indemnisation aux victimes. «On en arrive à diminuer les indemnisations parce qu’il y a plus de victimes, vous vous rendez compte», s’empourpre encore aujourd’hui Me Topaloff qui attend, sur le sujet, une nouvelle décision pour le 2 décembre.
«Bataille de tranchée»
Mais s’ils ont évoqué ces points comme ils ont répondu aux questions parfois personnelles des personnes présentes hier à Thiant, les deux avocats étaient venus avec un autre cheval de bataille : la reconnaissance des salariés exposés massivement à la poussière d’amiante mais qui ne sont pas malades. Le législateur a considéré qu’ils ont droit à une pré-retraite à partir de l’âge de 50 ans (et au regard du nombre d’années d’exposition). Une fois leur dossier validé par la CRAM, ces personnes bénéficient jusqu’à l’âge légal de la retraite, de l’allocation de cessation d’activité des travailleurs de l’amiante (ACATA), soit 65 % de leur salaire brut. «Mais lorsque l’on a 50 ans, des enfants à charge, ce qui n’est pas rare, la perte de salaire est importante. Il faut aussi considérer que si la retraire anticipée est accordée c’est qu’il a été estimé que l’espérance de vie est plus courte du fait de l’exposition, même si l’on n’est pas malade», expliquent les avocats.
Comme ils l’ont indiqué aux adhérents du CAPER, des dossiers de ce type sont arrivés devant la juridiction des prud’hommes. Objectif : faire condamner l’employeur, en l’occurrence éternit (mais d’autres sont susceptibles de suivre) à verser les 35 % de salaire perdu et des dommages relatifs au «préjudice d’anxiété». «Nous avons obtenu satisfaction le 19 octobre , explique Me Topaloff. La compensation a certes été rejetée mais éternit a été condamné à verser 4 000 E pour le préjudice d’anxiété.». Les avocats du CAPER ne se contenteront pas de cette décision mais ils mesurent déjà la valeur de l’étape qu’elle représente. «Nous espérons plus c’est pourquoi nous avons fait appel de cette décision», a repris Sylvie Topaloff. Comme Jean-Paul Teissonnière, elle a souligné que d’autres instances sont allées plus loin en France, que pour d’autres dossiers aussi, les cours d’appels et même la cour de cassation n’ont pas clos définitivement les débats, que d’autres portes sont ouvertes. «Mais c’est une bataille de tranchée», a noté Jean-Paul Teissonnière, sa consoeur se voulant encourageante : «Il faut que les personnes exposées, non malades se manifestent, qu’un rapport de force se créée pour qu’il soit plus difficile de revenir sur ce qui est acquis.». Le chemin sera long est sinueux, encore. Mais le CAPER compte à ce jour 900 adhérents, des études prévoient 100 000 morts directement liées à l’amiante dans les vingt ans qui viennent : plus que jamais, la mobilisation s’impose. €¢
Etrenit Ailleurs aussi
Me Topaloff et Me Teissonnière ont encore ajouté un rendez-vous sur leurs agendas déjà bien remplis: ils se rendront la semaine prochaine à Turin pour prendre part (de façon ponctuelle) au procès d’éternit Italie (verdict début 2011). Là -bas, contrairement à ce qui a été gagné de haute lutte en France, les victimes ne sont pas indemnisées. Pourtant, depuis trente ans, 3000morts liées à l’amiante et à l’entreprise (des salariés et des riverains) ont été relevées. C’est le premier procès pénal de l’amiante concernant éternit. En France, une plainte a été déposée. En 1996. Elle est toujours à l’instruction…