Dunkerque: la patience des victimes de l’amiante toujours mise à mal

mars 23, 2015 1:27 pm Publié par Laissez vos commentaires

PAR LAURENT LEYS

« La raison immédiate, c’est que les gens mis en examen (hauts fonctionnaires des ministères du Travail, de la Santé, de l’Industrie, fonctionnaires d’un grade inférieur, membres du Comité permanent amiante, pneumologues, industriels…) ont systématiquement contesté leurs mises en examen et multiplié les voies de recours, résume Michel Ledoux, avocat de l’ARDEVA, interrogé après l’assemblée générale, jeudi. Ils ont déjà saisi deux fois la Cour de cassation. Ce qui aurait pu durer un an, dure trois, quatre ans. »

L’avocat parisien indique néanmoins : « Ce va-et-vient entre la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation va s’arrêter bientôt car on est au bout du bout. »

Le 26 mars va marquer une étape importante. Jeudi, on devrait savoir si la plus haute juridiction judiciaire française confirme l’annulation de plusieurs mises en examen, dont celle de Martine Aubry en tant que directrice des relations du travail au ministère du Travail de 1984 à 1987. « Cette fois, c’est nous qui avons introduit le pourvoi. Et s’il est rejeté, terminé ! Tous les hauts fonctionnaires, les membres du Comité permanent amiante ne seront pas jugés avec les chefs d’établissement. Ce serait un scandale. Certes, les chefs d’établissement doivent être jugés, mais on sait que dans l’affaire de l’amiante, des négligences ont été commises beaucoup plus haut par des gens qui n’ont pas réglementé à temps, pas contrôlé ou fait contrôler les employeurs comme Eternit, Sollac, Normed. »

Autrement dit, le procès tant espéré pour mettre en lumière les failles du système de veille sanitaire durant des décennies n’aurait pas lieu. « L’affaire de l’amiante ne serait qu’une affaire d’hygiène et de sécurité (comme un salarié qui tombe d’un échafaudage ou se blesse à la main), alors que c’est aussi une affaire de santé publique. »

Me Ledoux, pas plus que les malades et les familles, n’accepte l’argument selon lequel ce drame – les dizaines de milliers de morts, l’interdiction tardive, en 1997, de l’amiante en France – appartient désormais au passé : « Le discours, c’est de dire : C’était toute une époque. On était moins soucieux des conditions d’hygiène, de sécurité. À quoi ça sert de remuer ces vieilles histoires ? Indemnisez les victimes correctement et qu’elles nous foutent la paix ! Mais les victimes veulent comprendre ce qui s’est passé, ce qui relève d’actes de délinquance. »