La cour de cassation prend deux arrêts défavorables pour les victimes de l’amiante
septembre 26, 2014 11:11 am Laissez vos commentairesAmiante :les salariés, victimes au long cours
La cour de cassation prend deux arrêts défavorables pour les victimes de l’amiante. Les anciens des chantiers de la Normed pourraient être amenés à rembourser l’indemnisation perçue.
« J’étais encore en activité quand les enquêtes suite à des décès ont démarré, rapelle Pierre Bouvier, qui a travaillé 21 ans sur les chantiers navals de La Ciotat, et cela fait longtemps maintenant qu’on enterre les collègues ». Avec l’association Centaure, cet ancien de la Normed n’en est pas à ses premiers retours de manivelles et accuse des arrêts de la cour de cassation… pour mieux les combattre afin que « chaque travailleur de l’amiante, touché ou anxieux, fasse valoir ses droits ».
Ils étaient plus de 500 rassemblés mardi dans un des ateliers désaffectés des chantiers navals à La Ciotat à l’initiative du Centaure, association qui lutte pour la reconnaissance des droits des travailleurs de l’amiante. Il s’agissait dans un premier temps d’informer les anciens des chantiers de l’impact de ces deux nouveaux arrêtés de la cour de cassation. Pour dans un deuxième temps porter, à nouveau, le combat en faveur des victimes jusque devant les tribunaux.
Double peine
Commentaire
La décision de justice rendue par la Cour de cassation concernant l’indemnisation des victimes de l’amiante des chantiers de la Normed (entreprise publique) fait couler beaucoup d’encre. Alors que, de hautes luttes, la reconnaissance de l’exposition à ce produit nocif pour la santé avait été obtenue, on reste là au milieu du gué. Et les ouvriers et employés concernés paient les pots cassés.
Alors qu’il est de bon ton de jeter le discrédit sur ceux qui refusent l’ordre établi, luttent dans leur entreprise, pour l’emploi et de meilleures conditions de travail, voilà tout un pan du salariat qui se retrouve floué. Une deuxième fois. Car des années durant, ils auront été exposés à leur insu à l’amiante dont le patronat et la médecine connaissaient la dangerosité.
Il avait fallu des années, des décennies de mobilisation, pour arriver à renverser le rapport de force et faire entendre la voix des travailleurs. Cette décision de justice est un violent coup de frein à toute une démarche enclenchée au nom du droit des salariés. Et qu’on ne parle pas de privilégiés ! Les indemnités ne dépassaient pas quelques milliers d’euros. Un simple retour des choses pour ces retraités dont on avait mis la santé en danger pendant que sur leur dos d’autres réduisaient les coûts de production en rognant notamment sur leurs conditions de travail. Vous avez dit justice …
sébastien madau
« Il reste encore du chemin à parcourir, mais c’est une belle victoire » estimait le président de la Mutuelle de la Méditerranée devant 400 anciens salariés des chantiers. C’était le 7 janvier 2012 et une assemblée générale extraordinaire était convoquée afin de partager avec ses adhérents la bonne nouvelle: le matin même et pour la première fois, le tribunal des prud’hommes de Toulon rendait une décision reconnaissant le préjudice d’anxiété pour les personnels ayant travaillé au contact de l’amiante. « Cela signifie qu’il ne faut pas être malade ou mort pour faire une action en justice, commentait alors l’avocate Julie Andreu, le tribunal confirme qu’il y a une réglementation et que la direction de l’époque l’a méconnue ».
Les industriels s’en tirent bien
Or, « les deux arrêtés du 2 juillet 2014 de la cour de cassation viennent de rejeter les demandes d’indemnisation du préjudice d’anxiété des anciens travailleurs de la Normed, dénonce Pierre Bouvier, la Cour considère que le préjudice d’anxiété étant né à la date à laquelle les salariés ont eu connaissance de l’arrêté ministériel d’inscription de la Normed sur la liste des entreprise ouvrant droit à l’ACAATA (7 juillet 2000) soit postérieurement à sa mise en réglement judiciaire au 27 février 1989, l’AGS ne peut garantir ce droit ». Mais aussi, le Centaure alerte, « des centaines de salariés de la Normed de La Ciotat, de Dunkerque et de La Seyne ont fait l’objet de décisions judiciaires reconnaissant leur préjudice d’anxiété, ainsi que ceux des entreprises sous-traitantes. beaucoup d’entre eux ont reçu un chéque d’indemnisation et risquent de devoir rembourser ». L’indemnisation chiffrait à 10 000 euros et était assorti d’une éxécution provisoire couvrant la moitié de la somme. D’autres, attendent les décisions définitives d’indemnisation de la part des tribunaux: « leurs droits légitimes risquent également d’être remis en cause sur la base de lla décision de la Cour de cassation », craint encore l’association.
Pour ces salariés qui vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, si rien n’est fait prochainement, le rideau va donc se rabattre sur la reconnaissance du préjudice d’anxiété. Sous l’effet de la loi du 17 juin 2008, qui instaure une prescription de principe de 5 ans en matière civile, la porte des tribunaux s’est refermée le 17 juin 2013 aux salariés de l’amiante qui ont quitté leur entreprise depuis plus de 5 ans. soit la quasi-totalité d’entre eux. Ainsi les industriels de l’amiante, dont le procès tarde à venir depuis 16 ans, passeront-ils dans les mailles d’un filet judiciaire bien mal tendu.
« Nous avons des décisions de justice en faveur des professionnels de l’amiante, mais au moment où on doit décider qui va payer, tout bloque, déplore cet ancien de la Normed, qui avec le Centaure et d’autres associations de victimes de l’amiante entend bien ne pas lâcher l’affaire. « Nous n’acceptons pas cette décision de la cour de cassation et nous mettrons tout en oeuvre pour nous y opposer », prévient le Centaure. Le préjudice d’anxiété n’étant pas lui-mêlme remis en cause, il reste des solutions à trouver pour assurer une indemnisation aux victimes. La rentrée sera donc studieuse pour ces anciens des chantiers : « Il nous reste à nous battre, comme nous le faisons depuis 30 ans », assure Pierre Bouvier.
myriam Guillaume