L’ancienne raffinerie Petroplus en cours de démontage à Petit-Couronne

avril 15, 2015 8:48 am Publié par Laissez vos commentaires

Deux ans après la liquidation judiciaire, la raffinerie Petroplus, à Petit-Couronne, a entamé sa longue disparition. Bel et bien physique, cette fois. Les immenses citernes rouillées sont désormais, pour certaines, éventrées, quand elles ne sont pas tout simplement réduites à l’état de gravats.

Les travaux de déconstruction de l’immense site pétrolier de 240 hectares ont donc débuté, conformément à la destinée qui lui est promise : laisser la place au futur pôle industriel de Petit-Couronne porté par le groupe Bolloré. Appelez le plutôt le « Pôle d’innovation des Couronnes », selon l’annonce faite par la société Valgo, actuel propriétaire des lieux le temps d’y mener l’actuel chantier de dépollution.

UN CHANTIER D’UNE AMPLEUR EXCEPTIONNELLE

Les opérations sont lancées depuis maintenant près de trois mois, sous l’œil vigilant de la Dreal (Direction régionale de l’environnement). « Nous passons beaucoup de temps à Petit-Couronne, indique son directeur Patrick Berg. C’est un chantier exceptionnel de par l’ampleur du site. Après, la nature des éléments à dépolluer relève de procédures assez classiques. »

Difficile de savoir combien de temps durera la déconstruction de la raffinerie et de ses superstructures. « Cela va nécessairement prendre du temps, même si les exigences des futurs exploitants impliquent un rythme soutenu, affirme Patrick Berg. On sait qu’Eiffage a exprimé une demande forte pour installer sa plate-forme multimodale, qui représente une opportunité formidable. »

L’essentiel des manœuvres se concentre aujourd’hui sur la zone dite de « stockage est », où les équipes missionnées par Valgo s’emploient à démanteler et désamianter les bacs. Ceci, assure l’entreprise, selon des procédures « validées par les services de la Dreal ».

Car de leur côté, les élus CGT de l’ancienne raffinerie – qui misent toujours sur un redémarrage des installations (lire par ailleurs) – dénoncent des travaux menés à la hussarde, au détriment de la sécurité des riverains. Photos à l’appui, l’ex-secrétaire du CHSCT, Jean-Luc Brouté, évoque des tôles de calorifuge, sur les hauteurs des cuves, menaçant de tomber, voire de voltiger hors de la raffinerie en cas de fortes bourrasques. « Comment l’entreprise démonte ces tôles puisqu’on ne voit pas d’échafaudage ? », interroge Jean-Luc Brouté dans un courrier à l’attention des autorités.

UN RISQUE AMIANTE IGNORÉ ?

Yvon Scornet, l’ancien meneur de l’intersyndicale Petroplus, parle quant à lui d’un risque amiante largement ignoré. « Cela coûte très cher de respecter les procédures amiante, et je suis certain qu’ils ne le font pas. Les salariés, souvent étrangers, attaquent les bacs à la pelleteuse, sans échafaudage et sans masque de protection. » Ces poussières d’amiante représentent par ailleurs, selon le syndicaliste, une menace pour les populations environnantes. « Je sais que Valgo a été rappelé à l’ordre par la Dreal, récemment », affirme Yvon Scornet.

Patrick Berg évoque la mission « de conseil et de surveillance » de son administration, mais assure n’avoir rien relevé de « problématique » sur les manœuvres effectuées dans l’ancienne raffinerie, où tous les produits dangereux (les hydrocarbures, notamment), ont été évacués depuis longtemps.

Quant à la présence de travailleurs étrangers, si le directeur de Dreal la confirme, « elle n’a rien d’illégale tant que les textes sont respectés ». L’entreprise de démolition, de son côté, se targue d’opérations menées « à 100 % par Valgo, avec des personnels tous formés aux processus de neutralisation-désamiantage-démolition ».

La Dreal de Haute-Normandie mobilise l’équivalent d’un temps plein pour assister Valgo. Des moyens « appropriés », assure Patrick Berg.

THOMAS DUBOIS

La CGT de Petroplus connaîtra « fin avril-début mai », selon Yvon Scornet, l’ancien leader syndical, la date à laquelle sera délivré le jugement de la Cour de cassation, concernant son ultime recours pour obtenir l’annulation de la vente du site à Valgo. En septembre dernier, la cour d’appel de Rouen avait en effet jugé recevable la démarche du syndicat, qui bataille toujours pour une reprise et un redémarrage de la raffinerie. « Si on gagne, ils seront obligés de tout arrêter et on réclamera en plus 30 à 40 millions d’euros à Valgo », lance Yvon Scornet.

Ce dernier continue par ailleurs à contester le chiffre de 400 emplois créés à terme par les futurs exploitants du « Pôle d’innovation des Couronnes ». Un mensonge, martèle-t-il. Valgo, pour sa part, indique avoir « créé à ce jour 35 emplois sur la zone, dont la reprise de cinq ex-Petroplus, et a maintenu en plus quinze emplois de sociétés extérieures travaillant sur la zone ».